9
Les malheurs de
Mrs Weasley

Le brusque départ de Dumbledore prit Harry complètement au dépourvu. Il resta assis dans le fauteuil aux chaînes, partagé entre le désarroi et le soulagement. Les membres du Magenmagot s’étaient levés et bavardaient en ramassant et rangeant leurs papiers. Harry se leva à son tour. Personne ne lui accordait la moindre attention, à part la sorcière-crapaud qui, après avoir si longuement regardé Dumbledore, fixait à présent les yeux sur lui. Il l’ignora et s’efforça de croiser le regard de Fudge ou de Mrs Bones pour leur demander s’il était libre de partir mais Fudge semblait décidé à faire comme s’il n’existait pas. Quant à Mrs Bones, elle paraissait très absorbée par son attaché-case. Il fit donc quelques pas timides en direction de la sortie et, voyant que personne ne le rappelait, se mit à marcher beaucoup plus vite.

Il parcourut les derniers mètres au pas de course, ouvrit la porte à la volée et faillit se cogner contre Mr Weasley qui se tenait de l’autre côté, l’air pâle et inquiet.

— Dumbledore n’a pas dit…

— Les charges sont abandonnées, annonça Harry en refermant la porte derrière lui.

Le visage rayonnant, Mr Weasley le prit par les épaules.

— Harry, c’est merveilleux ! Oh, bien sûr, il était impossible de te condamner, il n’y avait aucune preuve mais, quand même, je dois dire que je n’étais pas…

Il s’interrompit car la porte venait de se rouvrir. Les membres du Magenmagot sortaient en file indienne.

— Par la barbe de Merlin ! s’exclama Mr Weasley d’un air songeur en écartant Harry pour les laisser passer. Tu as eu droit à la cour au complet ?

— Je crois bien, répondit Harry à mi-voix.

Un ou deux sorciers adressèrent un signe de tête à Harry en passant devant lui et quelques-uns, y compris Mrs Bones, lancèrent un « Bonjour, Arthur » à Mr Weasley, mais la plupart détournèrent les yeux. Cornélius Fudge et la sorcière-crapaud furent presque les derniers à quitter le cachot. Fudge ne prêta pas plus d’attention à Mr Weasley et à Harry que s’ils avaient été un morceau du mur. En revanche, la sorcière fixa à nouveau Harry comme si elle cherchait à l’évaluer. Percy sortit en dernier. Tout comme Fudge, il ignora complètement son père et Harry. Il passa devant eux, le dos raide et le nez en l’air, en serrant contre lui un gros rouleau de parchemin et une poignée de plumes. Les rides aux coins de la bouche de Mr Weasley se crispèrent légèrement, mais il ne laissa paraître aucun autre signe indiquant qu’il venait de voir son troisième fils.

— Je vais te ramener tout de suite, comme ça, tu pourras annoncer la bonne nouvelle aux autres, dit-il, en faisant signe à Harry d’avancer tandis que les talons de Percy disparaissaient dans l’escalier qui montait vers le niveau neuf. Je te déposerai en allant m’occuper de cette histoire de toilettes à Bethnal Green. Viens…

— Qu’est-ce que vous allez faire pour arranger ça ? demanda Harry avec un sourire.

Tout lui semblait soudain beaucoup plus drôle que d’habitude. La nouvelle commençait à pénétrer en lui : il était innocenté, il retournerait à Poudlard.

— Oh, c’est simple, il suffit d’un antimaléfice, répondit Mr Weasley en montant l’escalier. Mais le plus grave, ce n’est pas d’avoir à réparer les dégâts, c’est plutôt l’attitude qui se cache derrière ce vandalisme. Se moquer des Moldus peut paraître très amusant à certains sorciers, mais c’est l’expression de quelque chose de beaucoup plus profond et de beaucoup plus méchant. En ce qui me concerne…

Mr Weasley s’interrompit au milieu de sa phrase. Ils venaient d’atteindre le couloir du niveau neuf et Cornélius Fudge se tenait à quelques mètres d’eux, parlant tranquillement à un homme de grande taille aux cheveux blonds et lisses, le visage pâle et pointu.

Au son de leurs pas, l’homme se tourna vers eux. Lui aussi s’interrompit en pleine conversation. Il plissa ses yeux gris et froids et les fixa sur Harry.

— Tiens, tiens, tiens… Le Patronus Potter, dit Lucius Malefoy d’un ton glacial.

Harry en eut le souffle coupé, comme s’il venait de se cogner contre un mur. La dernière fois qu’il avait vu ces yeux gris au regard glacé, c’était derrière les fentes d’une cagoule de Mangemort, la dernière fois qu’il avait entendu cette voix lancer des sarcasmes, c’était dans un cimetière, pendant que Voldemort le torturait. Harry n’arrivait pas à croire que Lucius Malefoy ose le regarder en face. Il ne parvenait pas à croire qu’il se trouvait là, au ministère de la Magie, en train de parler avec Cornélius Fudge, alors que Harry avait révélé à Fudge quelques semaines auparavant que Malefoy était un Mangemort.

— Monsieur le ministre m’a informé de la chance que vous venez d’avoir, Potter, dit Mr Malefoy d’une voix traînante. Très étonnant de voir comment vous arrivez toujours à vous sortir des situations les plus inextricables en vous tortillant… à la manière d’un serpent, en fait.

Mr Weasley serra l’épaule de Harry pour l’inciter au calme.

— Oui, vous avez raison, dit Harry, je m’en tire toujours très bien.

Lucius Malefoy leva les yeux vers Mr Weasley.

— Et voilà également Arthur Weasley ! Que faites-vous là, Arthur ?

— C’est ici que je travaille, répliqua sèchement Mr Weasley.

— Sûrement pas ici ? reprit Mr Malefoy qui haussa les sourcils en jetant un regard vers la porte de la salle d’audience. Je croyais que vous étiez au deuxième étage… Si je me souviens bien, vos activités consistent notamment à emporter chez vous des objets moldus pour les ensorceler ?

— Non, répondit Mr Weasley d’un ton brusque.

Ses doigts s’enfonçaient à présent dans l’épaule de Harry.

— Et vous, qu’est-ce que vous faites là ? demanda Harry à Lucius Malefoy.

— Je ne pense pas que les affaires privées entre le ministre et moi-même vous regardent en quoi que ce soit, Potter, répondit Malefoy en lissant le devant de sa robe.

Harry entendit un faible tintement qui semblait provenir d’une poche remplie d’or.

— Ce n’est pas parce que vous êtes le chouchou de Dumbledore que vous devez vous attendre à la même indulgence de notre part… Nous devrions peut-être monter dans votre bureau, à présent, mon cher ministre ?

— Certainement, approuva Fudge qui tourna le dos à Harry et à Mr Weasley. Par ici, Lucius.

Ils s’éloignèrent tous les deux en parlant à voix basse. Ce fut seulement lorsqu’ils eurent disparu dans l’ascenseur que Mr Weasley lâcha enfin l’épaule de Harry.

— Pourquoi n’attendait-il pas devant le bureau de Fudge, s’ils ont des affaires à traiter ? s’exclama Harry d’un ton furieux. Qu’est-ce qu’il fabriquait ici ?

— Si tu veux mon avis, il essayait de s’approcher en douce du tribunal.

Mr Weasley, en proie à une extrême nervosité, jetait des regards par-dessus son épaule pour s’assurer que personne ne pouvait les entendre.

— Il voulait savoir si tu avais été renvoyé ou pas. Je vais laisser un mot à Dumbledore quand je te déposerai, il faut qu’il sache que Malefoy a encore eu des contacts avec Fudge.

— Et, au fait, en quoi consistent leurs affaires privées ?

— J’imagine qu’il s’agit d’or, répondit Mr Weasley avec colère. Pendant des années, Malefoy s’est montré très généreux avec toutes sortes d’organismes… ce qui lui permet de fréquenter les gens utiles… à qui il peut alors demander des services… par exemple, retarder l’examen de certains projets de loi qu’il ne veut pas voir passer… Ah çà, Lucius Malefoy a beaucoup de relations…

L’ascenseur arriva. Il était vide en dehors d’un vol de notes de service qui battirent des ailes autour de Mr Weasley tandis qu’il appuyait sur le bouton de l’atrium. Il les chassa d’un geste irrité et les portes se refermèrent dans un bruit métallique.

— Mr Weasley, dit lentement Harry, si Fudge reçoit des Mangemorts comme Malefoy, s’il les voit en tête à tête, comment être sûr qu’ils ne l’ont pas soumis au sortilège de l’Imperium ?

— Ne crois pas que nous n’y ayons pas pensé, Harry, répondit Mr Weasley à voix basse. Mais Dumbledore estime qu’en ce moment, Fudge agit de sa propre initiative – ce qui n’a rien de très rassurant, comme le dit Dumbledore. Mais il vaut mieux ne plus en parler pour l’instant, Harry.

Les portes s’ouvrirent et ils sortirent dans l’atrium, presque désert à présent. Éric, le sorcier-vigile, était à nouveau caché derrière sa Gazette du sorcier. Ils étaient passés devant la fontaine d’or lorsque Harry se souvint.

— Attendez, dit-il à Mr Weasley.

Il sortit une bourse de sa poche et se tourna vers la fontaine.

Harry regarda le sorcier à la noble figure mais, vu de près, il lui sembla qu’il avait l’air plutôt faible et stupide. La sorcière affichait un sourire vide, comme une candidate à un concours de beauté, et d’après ce que Harry savait des gobelins et des centaures, il était peu vraisemblable qu’on les surprenne à contempler des humains, quels qu’ils soient, avec une telle mièvrerie. Seul l’elfe de maison, dans son attitude de soumission servile, paraissait convaincant. Avec un sourire à la pensée de ce qu’Hermione dirait si elle voyait la statue de l’elfe, Harry retourna sa bourse et vida dans le bassin non pas les dix Gallions qu’il avait promis mais l’intégralité de son contenu.

 

— Je le savais ! s’écria Ron en donnant un coup de poing en l’air. Tu t’en sors toujours !

— Ils ne pouvaient pas faire autrement que de te disculper, dit Hermione.

En voyant Harry entrer dans la cuisine, elle avait semblé sur le point de s’évanouir d’angoisse. À présent, elle se cachait les yeux derrière une main tremblante.

— Il n’y avait rien à te reprocher, absolument rien.

— Pour des gens qui étaient sûrs que j’allais m’en tirer, vous m’avez quand même l’air bien soulagés, fit remarquer Harry avec un sourire.

Mrs Weasley s’essuyait le visage avec son tablier et Fred, George et Ginny exécutaient une sorte de danse de guerre en scandant :

— Il s’en est tiré, il s’en est tiré, il s’en est tiré…

— Ça suffit, calmez-vous ! s’exclama Mr Weasley bien que lui aussi eût un sourire. Écoute bien, Sirius, Lucius Malefoy était au ministère…

— Quoi ? dit Sirius d’un ton brusque.

— Il s’en est tiré, il s’en est tiré, il s’en est tiré…

— Taisez-vous, tous les trois. Oui, on l’a vu parler avec Fudge au niveau neuf et ensuite, ils sont montés ensemble dans le bureau de Fudge. Il faut mettre Dumbledore au courant.

— Absolument, approuva Sirius. On le lui dira, ne t’inquiète pas.

— Bon, je ferais bien d’y aller, il y a des toilettes régurgitantes qui m’attendent à Bethnal Green. Molly, je rentrerai tard, je remplace Tonks, mais il se peut que Kingsley vienne dîner…

— Il s’en est tiré, il s’en est tiré, il s’en est tiré…

— Ça suffit, Fred, George, Ginny ! s’écria Mrs Weasley tandis que son mari sortait de la cuisine. Harry, mon chéri, viens manger quelque chose, tu n’as presque rien pris au petit déjeuner.

Ron et Hermione s’assirent en face de lui. Jamais ils n’avaient eu l’air aussi heureux depuis son arrivée square Grimmaurd et Harry sentit revenir en lui le sentiment de soulagement un peu étourdissant que sa rencontre avec Lucius Malefoy avait passablement refroidi. La maison lugubre lui parut soudain plus chaleureuse et plus accueillante. Même Kreattur lui sembla moins laid lorsqu’il pointa dans la cuisine son nez en forme de groin pour se renseigner sur l’origine de tout ce vacarme.

— Du moment que Dumbledore venait te soutenir, ils ne pouvaient plus te condamner, bien sûr, dit Ron d’un ton joyeux en distribuant de grands tas de purée dans les assiettes.

— Ouais, il a tout arrangé, dit Harry.

Il estima qu’il serait ingrat, pour ne pas dire puéril, d’ajouter : « Mais j’aurais bien voulu qu’il me parle. Ou même qu’il me regarde. »

À cette pensée, la cicatrice de son front le brûla si douloureusement qu’il plaqua une main dessus.

— Qu’est-ce qu’il y a ? s’inquiéta Hermione.

— Ma cicatrice, marmonna Harry. Mais ce n’est rien… Ça arrive tout le temps, maintenant…

Personne d’autre n’avait rien remarqué. Ils étaient tous occupés à vider leurs assiettes en se réjouissant que Harry s’en soit sorti de justesse. Fred, George et Ginny continuaient de chanter. Hermione, elle, paraissait un peu anxieuse mais, avant qu’elle ait pu dire quoi que ce soit, Ron lança joyeusement :

— Je parie que Dumbledore va venir ce soir pour faire la fête avec nous.

— Je ne pense pas qu’il pourra, Ron, dit Mrs Weasley en posant devant Harry une énorme assiette de poulet rôti. Il est très occupé en ce moment.

— IL S’EN EST TIRÉ, IL S’EN EST TIRÉ, IL S’EN EST TIRÉ…

— VOUS ALLEZ VOUS TAIRE, OUI ? rugit Mrs Weasley.

 

Dans les jours qui suivirent, Harry ne put ignorer qu’une personne au moins, au 12, square Grimmaurd, ne paraissait pas enchantée de le voir retourner à Poudlard. Sirius avait fait de son mieux pour afficher sa joie en entendant la nouvelle, étreignant la main de Harry avec un visage aussi rayonnant que les autres. Bientôt, pourtant, il s’était montré plus renfrogné, plus grognon qu’auparavant. Il parlait moins, même à Harry, et passait de plus en plus de temps dans la chambre de sa mère en compagnie de Buck.

— Tu n’as pas à te sentir coupable ! dit Hermione quelques jours plus tard, après que Harry lui eut confié, ainsi qu’à Ron, ce qu’il éprouvait à ce sujet.

Ils étaient occupés à nettoyer un placard moisi, au troisième étage.

— Ta place est à Poudlard et Sirius le sait. Personnellement, je trouve qu’il fait preuve d’égoïsme.

— Tu es un peu dure, Hermione, dit Ron.

Les sourcils froncés, il essayait de détacher un morceau de moisissure qui s’était solidement collé à son doigt.

— Toi non plus, tu n’aimerais pas ça, si on t’obligeait à rester enfermée dans cette maison sans voir personne.

— Sans voir personne ? s’exclama Hermione. On est au quartier général de l’Ordre du Phénix, ici, non ? Il s’était simplement mis en tête que Harry viendrait vivre avec lui dans cette maison.

— Je ne crois pas que ce soit vrai, répondit Harry en essorant son torchon. Il ne m’a pas donné de réponse claire quand je lui ai demandé si je pourrais habiter là.

— Il ne voulait pas entretenir de faux espoirs, dit Hermione avec pertinence. Et il devait aussi se sentir un peu coupable car je suis sûre que, quelque part en lui, il espérait que tu serais renvoyé. Comme ça, vous auriez vécu tous les deux en réprouvés.

— Arrête un peu ! répliquèrent Harry et Ron d’une même voix.

Hermione se contenta de hausser les épaules.

— Comme vous voudrez. Mais parfois, je me dis que la mère de Ron a raison et qu’il arrive à Sirius de te confondre avec ton père, Harry.

— Alors, tu crois qu’il est un peu cinglé ? s’emporta Harry.

— Non, je pense seulement qu’il est resté très seul pendant très longtemps, répondit simplement Hermione.

À ce moment, Mrs Weasley entra dans la chambre.

— Toujours pas terminé, dit-elle en passant la tête dans le placard.

— Je croyais que tu étais venue nous dire de prendre un peu de repos ! se plaignit Ron avec amertume. Est-ce que tu te rends compte de la quantité de moisissure que nous avons enlevée depuis que nous sommes là ?

— Vous étiez si enthousiastes à l’idée d’apporter votre aide à l’Ordre, répliqua Mrs Weasley. Vous pouvez faire votre part de travail en rendant cette maison habitable.

— J’ai l’impression d’être un elfe de maison, grommela Ron.

— Eh bien, maintenant que tu comprends mieux dans quelles conditions épouvantables ils sont obligés de vivre, tu deviendras peut-être un peu plus actif dans la S.A.L.E ! dit Hermione avec espoir, tandis que Mrs Weasley les abandonnait à leur besogne. Ce ne serait pas une mauvaise idée de montrer aux gens à quel point il est horrible de passer son temps à faire le ménage. Nous pourrions nettoyer la pièce commune de Gryffondor en organisant une collecte dont le produit irait à la S.A.L.E. Ce serait un moyen de faire progresser le niveau de conscience en même temps que notre fonds de soutien.

— Je suis prêt à faire une collecte pour que tu cesses de nous parler de la S.A.L.E., grommela Ron avec mauvaise humeur et à voix suffisamment basse pour que seul Harry puisse l’entendre.

 

À mesure que la fin des vacances approchait, Harry passait de plus en plus de temps à songer à Poudlard. Il avait hâte de revoir Hagrid, de jouer au Quidditch et même de traverser le potager pour se rendre dans les serres du cours de botanique. Il éprouverait un tel plaisir à quitter cette maison poussiéreuse et moisie, où la moitié des placards étaient encore verrouillés et où Kreattur, tapi dans l’ombre, ne cessait de siffler des insultes sur leur passage ! Mais bien sûr, Harry veillait à ne jamais rien dire de tout cela lorsque Sirius pouvait l’entendre.

Habiter le quartier général du mouvement anti-Voldemort n’était pas aussi intéressant ou excitant que Harry l’aurait imaginé. Les membres de l’Ordre du Phénix allaient et venaient régulièrement, restant parfois déjeuner ou dîner, ou ne passant que brièvement pour échanger quelques mots chuchotés mais, chaque fois, Mrs Weasley veillait à ce que Harry et les autres soient suffisamment loin d’eux pour que leurs oreilles (à rallonge ou pas) ne puissent rien entendre. D’une manière générale, tout le monde, y compris Sirius, semblait penser que Harry n’avait pas besoin d’en savoir plus que ce qu’il avait entendu le soir de son arrivée.

Au tout dernier jour des vacances, Harry balayait les saletés d’Hedwige, au sommet de l’armoire, lorsque Ron entra dans la chambre avec deux enveloppes à la main.

— Les listes de livres sont arrivées, dit-il, en lançant l’une des enveloppes à Harry, debout sur une chaise. Il était temps, j’ai cru qu’ils avaient oublié. D’habitude, ils les envoient plus tôt que ça…

Harry jeta les dernières fientes dans un sac-poubelle et l’expédia par-dessus la tête de Ron, dans la corbeille à papiers qui l’avala aussitôt avant de laisser échapper un rot sonore. Il ouvrit alors son enveloppe. Elle contenait deux morceaux de parchemin. L’un était la lettre traditionnelle qui rappelait que l’année scolaire commençait le « 1 » septembre, l’autre indiquait les titres des livres dont il aurait besoin cette année.

— Il n’y en a que deux nouveaux, dit-il. Le Livre des sorts et enchantements, niveau 5, par Miranda Fauconnette, et Théorie des stratégies de défense magique, par Wilbert Eskivdur.

CRAC !

Fred et George transplanèrent juste à côté de Harry. Il y était si habitué, à présent, qu’il ne tomba même pas de sa chaise.

— On se demandait simplement qui avait ajouté le bouquin d’Eskivdur à la liste, dit Fred sur le ton de la conversation.

— Parce que ça signifie que Dumbledore a trouvé un nouveau prof de défense contre les forces du Mal, dit George.

— Il était temps, d’ailleurs, ajouta Fred.

— Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda Harry en sautant à bas de sa chaise.

— Avec les Oreilles à rallonge, on a surpris une conversation entre maman et papa il y a quelques semaines, expliqua Fred, et d’après ce qu’ils disaient, Dumbledore avait beaucoup de mal à trouver quelqu’un cette année.

— Pas étonnant quand on voit ce qui est arrivé aux quatre derniers, fit remarquer George.

— Un renvoyé, un mort, un amnésique et le dernier enfermé dans une malle pendant neuf mois, dit Harry en comptant sur ses doigts. Oui, ça se comprend.

— Qu’est-ce qui t’arrive, Ron ? demanda Fred.

Ron ne répondit pas. Harry se tourna vers lui. Il se tenait immobile, la bouche légèrement ouverte, les yeux fixés sur sa lettre de Poudlard.

— Qu’est-ce qui se passe ? s’impatienta Fred.

Lorsqu’il s’approcha de Ron pour lire le parchemin par-dessus son épaule, Fred ouvrit la bouche à son tour.

— Préfet ? dit-il en contemplant la lettre d’un air incrédule. Préfet ?

George fit un bond, arracha l’enveloppe que Ron tenait de l’autre main et la retourna. Harry vit un objet rouge et or tomber dans sa paume.

— Pas possible, dit George d’une voix étouffée.

— Il y a eu erreur, dit Fred.

Il arracha la lettre de la main de Ron et la leva contre la lumière comme s’il cherchait un filigrane.

— Aucune personne saine d’esprit n’aurait l’idée de nommer Ron préfet.

Les jumeaux tournèrent la tête d’un même mouvement et regardèrent Harry.

— On pensait que ce serait toi à coup sûr ! dit Fred, d’un ton qui laissait entendre que Harry avait dû leur jouer un tour.

— On croyait que Dumbledore serait forcé de te choisir, ajouta George d’un ton indigné.

— Après avoir remporté le Tournoi des Trois Sorciers et tout ça ! dit Fred.

— J’imagine que toutes ces histoires de folie ont dû jouer contre lui, dit George à Fred.

— Ouais, répondit Fred d’une voix lente. Ouais, tu as causé trop d’ennuis, mon vieux. Enfin, il y en a au moins un de vous deux qui sait où sont ses priorités.

Il s’approcha de Harry et lui donna une claque dans le dos tandis qu’il foudroyait Ron du regard.

— Préfet… Le petit Ronnie préfet.

— Maman va devenir intenable, grogna George en rendant à Ron son insigne, comme s’il avait eu peur d’être contaminé.

Ron, qui n’avait toujours rien dit, contempla l’insigne pendant un bon moment puis le tendit à Harry comme pour lui demander de confirmer son authenticité. Harry examina l’objet. Un grand P était inscrit sur le lion de Gryffondor. Il avait vu le même sur la poitrine de Percy le premier jour où il était arrivé à Poudlard.

La porte de la chambre s’ouvrit à la volée et Hermione fit irruption, cheveux au vent, les joues écarlates. Elle tenait une enveloppe à la main.

— Vous avez… Vous avez eu… ?

Elle vit l’insigne dans la main de Harry et laissa échapper un cri perçant.

— Je le savais ! s’exclama-t-elle, surexcitée, en brandissant sa lettre. Moi aussi, Harry, moi aussi !

— Non, dit précipitamment Harry qui remit l’insigne dans la paume de Ron. C’est Ron, pas moi.

— C’est… Quoi ?

— C’est Ron qui est préfet, pas moi, répéta Harry.

— Ron ? dit Hermione, bouche bée. Tu es sûr ? Je veux dire…

Elle rougit un peu plus lorsque Ron se tourna vers elle avec un air de défi.

— C’est à moi que la lettre est adressée, dit-il.

— Je…, balbutia Hermione, abasourdie. Je… Eh ben dis donc ! Wouaooo ! Bravo, Ron ! C’est vraiment…

— Inattendu, acheva George en hochant la tête.

— Oh non, répondit Hermione, de plus en plus rouge. Non, ce n’est pas… Ron a fait beaucoup de… il est très…

Derrière elle, la porte s’ouvrit un peu plus et Mrs Weasley entra dans la chambre à reculons, les bras chargés d’une pile de robes fraîchement lavées.

— Ginny m’a dit que les listes de livres étaient enfin arrivées, dit-elle en jetant un coup d’œil aux enveloppes.

Elle alla poser les robes sur le lit et commença à les séparer en deux tas.

— Vous n’aurez qu’à me les donner, j’irai faire un tour sur le Chemin de Traverse cet après-midi et je prendrai vos livres pendant que vous préparerez vos valises. Ron, il faut que je t’achète d’autres pyjamas, les tiens sont trop courts d’au moins quinze centimètres. C’est fou ce que tu grandis vite… Quelle couleur tu voudrais ?

— Prends-les rouge et or pour aller avec son insigne, ricana George.

— Aller avec quoi ? dit Mrs Weasley d’un air absent en roulant une paire de chaussettes violettes qu’elle plaça sur la pile de Ron.

— Son insigne, dit Fred avec l’air de quelqu’un qui se dépêche d’annoncer le pire. Son magnifique insigne tout neuf et tout brillant de préfet.

Les paroles de Fred mirent un certain temps à éclipser les préoccupations de Mrs Weasley en matière de pyjamas.

— Son… Mais… Ron, tu n’es pas…

Ron montra son insigne.

Mrs Weasley poussa un cri aussi perçant que celui d’Hermione.

— Je n’arrive pas à le croire ! Je n’arrive pas à le croire ! Oh, Ron, c’est tellement merveilleux ! Un préfet ! Tout le monde l’a été dans la famille !

— Et Fred et moi, on est qui ? Des voisins de palier ? s’indigna George.

Sa mère l’écarta et serra dans ses bras son plus jeune fils.

— Quand ton père saura ça ! Ron, je suis si fière de toi, quelle fabuleuse nouvelle, tu deviendras peut-être préfet-en-chef, comme Bill et Percy, c’est le premier pas ! Oh, quelle joie au milieu de tous ces soucis, je suis enchantée, oh, Ronnie…

Derrière son dos, Fred et George faisaient semblant de vomir, mais Mrs Weasley n’y prêta aucune attention. Les bras serrés autour du cou de Ron, elle couvrait de baisers son visage devenu plus écarlate que son insigne.

— Maman… Non… Maman, calme-toi…, marmonna-t-il en essayant de la repousser.

Elle le lâcha enfin et dit d’une voix haletante :

— Alors, qu’est-ce que ça va être ? On avait offert un hibou à Percy mais tu en as déjà un.

— Que… Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda Ron comme s’il n’osait pas en croire ses oreilles.

— Il faut bien te récompenser ! dit Mrs Weasley d’un ton affectueux. Tu veux des nouvelles tenues de soirée ?

— On lui en a déjà acheté, dit Fred avec amertume, comme s’il regrettait sincèrement cette générosité.

— Ou un chaudron neuf ? Le tien est tout rouillé, il faut dire qu’il date du temps de Charlie. Ou peut-être un autre rat ? Tu as toujours aimé Croûtard…

— Maman, dit Ron, plein d’espoir, est-ce que je pourrais avoir un nouveau balai ?

Les traits de Mrs Weasley s’affaissèrent légèrement. Les balais étaient chers.

— Pas un vraiment beau ! s’empressa d’ajouter Ron. Simplement un neuf, pour changer.

Mrs Weasley hésita puis sourit.

— Bien sûr que tu l’auras… Bon, je ferais bien de me dépêcher si je dois aussi acheter un balai. À tout à l’heure, vous tous… Le petit Ronnie, préfet ! Et n’oubliez pas de faire vos bagages… Préfet… Oh, j’en suis toute retournée !

Elle embrassa à nouveau Ron sur la joue, renifla bruyamment puis se hâta de sortir.

Fred et George échangèrent un regard.

— J’espère que tu ne seras pas fâché si on s’abstient de t’embrasser, Ron ? dit Fred d’un ton faussement anxieux.

— On peut remplacer ça par une révérence si tu préfères, dit George.

— Ça suffit, répliqua Ron avec un froncement de sourcils.

— Sinon, quoi ? dit Fred, un sourire malveillant s’étalant sur ses lèvres. Tu vas nous donner une retenue ?

— J’aimerais beaucoup qu’il essaye, ricana George.

— Il pourrait très bien, si vous ne faites pas attention à vous ! intervint Hermione avec colère.

Fred et George éclatèrent de rire.

— Laisse tomber, Hermione, grommela Ron.

— Il va falloir qu’on surveille notre conduite, George, dit Fred qui faisait mine de trembler. Avec ces deux-là pour nous surveiller…

— Oui, j’ai bien peur que la belle époque où on se fichait du règlement soit terminée, dit George avec un hochement de tête.

Et dans un nouveau « crac ! » sonore, les jumeaux transplanèrent.

— Ah, ceux-là ! dit Hermione d’un ton furieux.

Elle leva les yeux au plafond d’où leur parvenaient les éclats de rire de Fred et George qui étaient retournés dans leur chambre, juste au-dessus.

— Ne fais pas attention à eux, Ron, ils sont jaloux, c’est tout.

— Je ne crois pas, répondit-il d’un air sceptique, en regardant également le plafond. Ils ont toujours dit qu’il n’y a que les imbéciles qui deviennent préfets… N’empêche, ajouta-t-il d’un ton plus joyeux, ils n’ont jamais eu de balais neufs, eux ! J’aimerais bien pouvoir le choisir avec maman… Elle n’aura pas les moyens d’acheter un Nimbus mais il y a le nouveau Brossdur qui vient de sortir, ce serait super… Oui, je vais aller lui dire que je voudrais un Brossdur, comme ça, elle saura quoi prendre…

Il fila hors de la chambre, laissant Harry et Hermione seuls.

Pour une raison qui lui échappait, Harry s’aperçut qu’il n’avait pas la moindre envie de regarder Hermione. Il se tourna vers son lit, ramassa la pile de robes que Mrs Weasley y avait déposée et l’emporta vers sa valise.

— Harry ? dit Hermione d’une voix timide.

— Bravo, Hermione, répondit-il avec une cordialité si appuyée qu’on ne reconnaissait plus sa voix. Merveilleux. Préfète, c’est formidable, ajouta-t-il, toujours sans la regarder.

— Merci, dit Hermione. Heu… Harry… pourrais-je t’emprunter Hedwige pour prévenir mes parents ? Ils seront vraiment contents… Au moins, préfète, ils comprennent ce que ça signifie.

— Bien sûr, pas de problème, dit Harry de cette voix horriblement chaleureuse qui n’était pas la sienne. Prends-la !

Il se pencha sur sa grosse valise, y rangea ses robes et fit semblant de chercher quelque chose tandis qu’Hermione s’approchait de l’armoire et appelait Hedwige. Quelques instants plus tard, la porte s’ouvrit et se referma. Harry resta penché, l’oreille aux aguets. Il n’entendit que la toile vide qui ricana à nouveau et la corbeille à papiers que les fientes de hibou faisaient tousser.

Il se redressa alors et regarda derrière lui. Hermione et Hedwige étaient parties. Il revint lentement vers son lit et s’y laissa tomber, regardant sans les voir les pieds de l’armoire.

Il avait complètement oublié que les préfets étaient nommés parmi les élèves de cinquième année. L’angoisse d’être renvoyé avait tellement occupé son esprit qu’il n’avait plus du tout pensé aux insignes déjà en route, à destination de certaines personnes… Mais s’il s’en était souvenu… S’il y avait songé… À quoi se serait-il attendu ?

« Pas à ça », dit dans sa tête une petite voix qui avait les accents de la vérité.

Les traits de Harry se crispèrent et il enfouit son visage dans ses mains. Il ne pouvait se mentir à lui-même : s’il avait su que l’insigne de préfet était en chemin, il se serait attendu à ce qu’il lui soit adressé à lui, pas à Ron. Cette pensée le rendait-elle aussi prétentieux et arrogant que Drago Malefoy ? S’estimait-il supérieur à tous les autres ? Pouvait-il se croire véritablement meilleur que Ron ?

« Non », répondit la petite voix sur un ton de défi.

Était-ce vrai ? se demanda Harry qui essayait avec angoisse d’analyser ses propres sentiments.

« Je suis meilleur au Quidditch, dit la voix. Mais, pour le reste, je ne suis pas le meilleur. »

C’était la vérité, sans aucun doute, pensa Harry. En classe, il n’était pas meilleur que Ron. Mais en dehors de la classe ? Ces aventures que lui, Ron et Hermione avaient vécues ensemble depuis leur arrivée à Poudlard en risquant bien plus que le renvoi ?

« Ron et Hermione étaient avec moi, la plupart du temps », dit la petite voix dans sa tête.

« Oui, mais pas tout le temps, objecta Harry. Ils n’étaient pas à mes côtés pour affronter Quirrell. Ils n’ont pas combattu Jedusor et le Basilic. Ils n’ont pas repoussé tous ces Détraqueurs le soir où Sirius s’est échappé. Ils n’étaient pas dans ce cimetière avec moi, lorsque Voldemort est revenu. » Ce même sentiment d’être injustement traité, qui l’avait envahi le soir de son arrivée, revint en lui. « J’en ai fait beaucoup plus, on ne peut pas le nier, songea Harry avec indignation. J’en ai fait beaucoup plus qu’eux ! »

« Mais peut-être, reprit la petite voix, soucieuse d’impartialité, peut-être que Dumbledore ne choisit pas les préfets parce qu’ils se sont mis dans toutes sortes de situations dangereuses… peut-être les choisit-il pour d’autres raisons… Ron doit avoir des qualités que tu ne…»

Harry ouvrit les yeux et regarda à travers ses doigts écartés les pieds en forme de griffes de l’armoire. Il se rappela ce que Fred avait dit : « Aucune personne saine d’esprit n’aurait l’idée de nommer Ron préfet. »

Harry eut un petit rire. Presque aussitôt, sa propre attitude l’écœura.

Ron n’avait pas demandé à Dumbledore de lui donner l’insigne de préfet. Il n’y était pour rien. Est-ce que lui, Harry, le meilleur ami que Ron eût au monde, allait faire la tête sous prétexte qu’il n’avait pas eu l’insigne ? Est-ce qu’il allait se joindre aux jumeaux pour se moquer de Ron derrière son dos, lui gâcher ce plaisir au moment où, pour la première fois, il l’avait emporté sur lui ?

Harry entendit soudain les pas de Ron dans l’escalier. Il se leva, redressa ses lunettes sur son nez et accrocha un sourire sur ses lèvres tandis que Ron franchissait la porte d’un pas bondissant.

— J’ai parlé à ma mère ! dit-il d’un ton joyeux. Elle dit qu’elle achètera le Brossdur si elle peut.

— Super, répondit Harry.

Il fut soulagé d’entendre que sa voix avait perdu ce ton faussement chaleureux.

— Écoute, Ron… Bravo, mon vieux…

Le sourire s’effaça du visage de Ron.

— Je n’avais jamais pensé que ce serait moi ! dit-il en hochant la tête. Je croyais que ce serait toi !

— Non, j’ai causé trop d’ennuis, répondit Harry, reprenant les mots de Fred.

— Ouais, dit Ron, ouais, sans doute… Bon, il faudrait peut-être faire nos bagages, non ?

Il était étrange de voir à quel point leurs affaires s’étaient répandues d’elles-mêmes un peu partout, depuis leur arrivée. Ils passèrent la plus grande partie de l’après-midi à récupérer livres et objets dans tous les coins de la maison et à les ranger dans leurs valises. Harry remarqua que Ron ne cessait de changer son insigne de place. Il le mit d’abord sur sa table de chevet, le glissa ensuite dans la poche de son jean puis le ressortit et le posa sur ses robes pliées comme pour voir l’effet du rouge sur un fond noir. Ce fut seulement lorsque Fred et George vinrent lui proposer de le coller sur son front avec un maléfice de Glu Perpétuelle qu’il l’enveloppa tendrement dans une paire de chaussettes violettes et le rangea dans sa valise.

Mrs Weasley revint du Chemin de Traverse aux alentours de six heures. Elle était chargée de livres et portait un long paquet enveloppé d’un épais papier kraft que Ron lui prit des mains avec un grognement de convoitise.

— Ce n’est pas le moment de le déballer, les gens arrivent pour dîner, je veux que vous descendiez tout de suite, dit-elle.

Mais dès qu’elle eut quitté la pièce, Ron déchira fébrilement le papier et examina chaque centimètre carré du nouveau balai avec une expression d’extase.

Dans la cuisine, au-dessus de la table surchargée de mets, Mrs Weasley avait accroché une banderole rouge sur laquelle on pouvait lire :

 

FÉLICITATIONS
À RON ET À HERMIONE
LES NOUVEAUX PRÉFETS

 

Harry ne l’avait pas vue d’aussi bonne humeur depuis son arrivée.

— J’ai pensé que nous pourrions remplacer le dîner habituel par une petite fête, dit-elle lorsque Harry, Ron, Hermione, Fred, George et Ginny entrèrent. Ton père et Bill ne vont pas tarder, Ron. Je leur ai envoyé un hibou à tous les deux et ils sont enchantés, ajouta-t-elle, le visage rayonnant.

Fred leva les yeux au plafond.

Sirius, Lupin, Tonks et Kingsley Shacklebolt étaient déjà là et Maugrey Fol Œil entra de son pas claudicant peu après que Harry se fut versé un verre de Bièraubeurre.

— Ah, Alastor, je suis contente que tu sois là, dit Mrs Weasley d’une voix claironnante, tandis que Fol Œil se débarrassait de sa cape d’un mouvement d’épaule. On voulait te le demander depuis une éternité : pourrais-tu regarder le secrétaire du salon et nous dire ce qu’il y a dedans ? On n’a pas osé l’ouvrir de peur que ce soit quelque chose de dangereux.

— Pas de problème, Molly.

L’œil bleu électrique de Maugrey pivota vers le plafond de la cuisine et regarda au travers.

— Le salon…, grogna-t-il, sa pupille contractée. Le bureau qui se trouve dans le coin ? Ouais, je le vois… C’est un Épouvantard… Tu veux que je monte m’en occuper, Molly ?

— Non, non, je ferai ça plus tard, répondit Mrs Weasley avec un grand sourire. Sers-toi donc un verre. On a improvisé une petite fête… − elle montra la banderole rouge. Le quatrième préfet de la famille ! dit-elle d’un ton débordant d’affection en ébouriffant les cheveux de Ron.

— Préfet, hein ? grogna Maugrey.

Son œil normal se posa sur Ron, l’œil magique roulant dans son orbite pour regarder sur le côté de sa tête. Harry eut l’impression désagréable que c’était lui qu’il observait et il s’éloigna pour aller retrouver Sirius et Lupin.

— Eh bien, félicitations, dit Maugrey, son œil normal fixant toujours Ron. Ceux qui incarnent l’autorité s’attirent toujours des ennuis, mais j’imagine que Dumbledore te croit capable de résister aux principaux maléfices, sinon il ne t’aurait pas choisi…

Ron parut surpris par cette façon de voir les choses mais l’arrivée de son père et de son frère aîné lui épargna la peine de répondre. Mrs Weasley était de si bonne humeur qu’elle ne protesta même pas en voyant qu’ils avaient amené Mondingus. Il portait un long pardessus qui formait d’étranges protubérances à des endroits inattendus et refusa de l’enlever lorsque Mrs Weasley lui proposa de l’accrocher à côté de la cape de Maugrey.

— Je crois que le moment est venu de porter un toast, dit Mr Weasley lorsque chacun eut un verre en main.

Il leva sa coupe.

— À Ron et à Hermione, les nouveaux préfets de Gryffondor !

Tout le monde but à leur santé avant de les applaudir. Ron et Hermione avaient le visage radieux. Les invités s’approchèrent ensuite de la table pour se servir à manger.

— Je n’ai jamais été préfète, dit joyeusement Tonks, derrière Harry.

Ce soir-là, elle avait des cheveux rouge tomate qui lui tombaient jusqu’à la taille. On aurait dit la sœur aînée de Ginny.

— Le directeur de ma maison disait que je manquais de certaines qualités indispensables.

— Par exemple ? demanda Ginny en prenant une pomme de terre au four.

— Par exemple, la capacité de me conduire convenablement, répondit Tonks.

Ginny éclata de rire. Hermione ne savait pas très bien s’il convenait de sourire ou pas. Choisissant une troisième voie, elle but une longue gorgée de Bièraubeurre qu’elle avala de travers.

— Et Sirius ? demanda Ginny en donnant à Hermione des tapes dans le dos.

Sirius, qui était juste à côté de Harry, éclata de son rire habituel, semblable à un aboiement de chien.

— Personne n’aurait songé à me nommer préfet, je passais trop de temps en retenue avec James. C’était Lupin, le bon élève, c’est lui qui a eu l’insigne.

— Dumbledore espérait peut-être que je parviendrais à exercer un certain contrôle sur mes meilleurs amis, dit Lupin. Est-il besoin de préciser que j’ai lamentablement échoué ?

Harry se sentit soudain d’humeur plus légère. Son père non plus n’avait pas été préfet. Tout à coup, la fête lui parut plus agréable. Il remplit largement son assiette et redoubla d’affection pour tout le monde.

Ron chantait les louanges de son nouveau balai à quiconque voulait l’entendre.

— … de zéro à cent kilomètres heure en moins de dix secondes, pas mal, non ? Quand on pense que dans le même temps, le Comète 260 ne va que jusqu’à quatre-vingt-dix et encore, par vent arrière, d’après Balai-Magazine.

Avec le plus grand sérieux, Hermione exposait à Lupin son point de vue sur les droits fondamentaux des elfes de maison.

— Vous comprenez, c’est le même genre d’absurdité que la ségrégation à l’égard des loups-garous. Tout cela vient de cette détestable manie qu’ont les sorciers de croire qu’ils sont supérieurs à toutes les autres créatures…

Bill subissait les habituels reproches de sa mère au sujet de ses cheveux :

— On se demande jusqu’où ils vont pousser, disait Mrs Weasley, pourtant, tu es si beau garçon, ce serait tellement mieux si tu les faisais couper, tu n’es pas d’accord, Harry ?

— Oh, je ne sais pas, répondit Harry, un peu inquiet qu’on lui demande son opinion.

Il jugea préférable de s’éloigner en direction de Fred et de George qui discutaient dans un coin avec Mondingus.

Mondingus s’interrompit en le voyant, mais Fred lui adressa un clin d’œil et lui fit signe d’approcher.

— Pas de problème, dit-il à Mondingus, on peut faire confiance à Harry, c’est lui qui nous finance.

— Regarde ce que Ding nous a trouvé, dit George en montrant au creux de sa main quelque chose qui ressemblait à de petites graines noires et desséchées.

Bien que parfaitement immobiles, elles produisaient un faible crépitement.

— Ce sont des graines de Tentacula vénéneuse, dit George. On en a besoin pour nos boîtes à Flemme mais elles appartiennent à la classe C des substances interdites à la vente et nous avons donc eu un peu de mal à nous en procurer.

— Alors, c’est d’accord, Ding, dix Gallions pour le tout ? dit Fred.

— ’Vec tout c’que j’me suis donné comme mal pour les avoir ? répliqua Mondingus en écarquillant encore un peu plus ses yeux cernés, injectés de sang. Désolé, les gars, mais ce sera vingt, pas une Noise de moins.

— Ding adore la plaisanterie, dit Fred à Harry.

— Oui, la meilleure qu’il nous ait racontée jusqu’à maintenant, c’était six Mornilles pour un sac de piquants de Noueux, dit George.

— Faites attention, les prévint Harry à voix basse.

— Quoi ? dit Fred. Maman est occupée à roucouler sur son petit préfet chéri, on ne craint rien.

— Mais Maugrey vous surveille peut-être, fit remarquer Harry.

Mondingus jeta un regard inquiet par-dessus son épaule.

— T’as raison, grogna-t-il. C’est bon, les gars, va pour dix, mais dépêchez-vous de m’en débarrasser.

— Merci, Harry ! dit Fred d’un air réjoui lorsque Mondingus eut vidé ses poches dans les mains tendues des jumeaux, avant de s’éclipser pour aller chercher quelque chose à manger. On va se dépêcher de les emporter là-haut…

Harry se sentit un peu mal à l’aise en les regardant s’éloigner. Mr et Mrs Weasley voudraient sans doute savoir où Fred et George avaient trouvé les fonds, quand ils finiraient par s’apercevoir qu’ils avaient réussi à monter leur commerce de farces et attrapes. Donner aux jumeaux l’argent du Tournoi des Trois Sorciers lui avait semblé tout naturel à l’époque. Mais si cela entraînait une nouvelle querelle familiale semblable à celle qui avait abouti à l’éloignement de Percy ? Mrs Weasley continuerait-elle à le considérer comme son fils si elle découvrait qu’il avait fourni à Fred et à George les moyens d’entreprendre une carrière qu’elle désapprouvait ?

Harry n’avait pas bougé de l’endroit où l’avaient laissé les jumeaux, sans autre compagnie que ce sentiment de culpabilité qui lui pesait au creux de l’estomac, lorsqu’il entendit soudain prononcer son nom. La voix profonde de Kingsley Shacklebolt parvenait à dominer la rumeur des conversations.

— … pourquoi Dumbledore n’a pas nommé Potter préfet ? disait Kingsley.

— Il doit avoir ses raisons, répondit Lupin.

— Mais ça aurait montré qu’il avait confiance en lui. Moi, c’est ce que j’aurais fait, insista Kingsley. Surtout depuis que La Gazette du sorcier s’attaque régulièrement à lui.

Harry ne tourna pas la tête. Il ne voulait pas que Kingsley ou Lupin s’aperçoivent qu’il les avait entendus. Bien qu’il n’eût plus du tout faim, il imita Mondingus et s’approcha de la table. Le plaisir qu’il avait éprouvé au début de la fête s’était évanoui aussi vite qu’il était apparu. Il n’avait plus qu’une envie : monter se coucher.

Maugrey Fol Œil renifla une cuisse de poulet avec ce qui lui restait de nez. Apparemment, il n’avait détecté aucune trace de poison car il se mit à déchirer la chair à belles dents.

— Le manche est en chêne d’Espagne avec un vernis antimaléfices et un dispositif intégré de contrôle des vibrations, expliquait Ron à Tonks.

Mrs Weasley bâilla longuement.

— Je crois que je vais m’occuper de cet Épouvantard avant d’aller au lit… Arthur, je ne veux pas qu’ils se couchent trop tard, d’accord ? Bonne nuit, Harry, mon chéri.

Et elle quitta la cuisine. Harry posa son assiette en se demandant s’il lui serait possible de l’imiter sans attirer l’attention.

— Ça va, Potter ? grogna alors Maugrey.

— Oui, oui, très bien, mentit Harry.

Maugrey but une gorgée au goulot de sa flasque, son œil bleu électrique regardant Harry en biais.

— Viens là, dit-il, j’ai quelque chose qui pourrait t’intéresser.

Il tira d’une poche intérieure de sa robe une vieille photo tout abîmée.

— L’Ordre du Phénix, tel qu’il était à l’origine, gronda Maugrey. Trouvé ça hier soir en cherchant ma cape d’invisibilité de secours, puisque Podmore n’a pas eu l’amabilité de me rendre celle à laquelle je tiens le plus… J’ai pensé qu’il y en aurait peut-être qui aimeraient y jeter un coup d’œil.

Harry prit la photo. Un petit groupe de gens le regardait, certains lui adressant des signes de la main, d’autres levant leurs verres.

— Ça, c’est moi, dit inutilement Maugrey en se montrant lui-même.

Le Maugrey de la photo était parfaitement reconnaissable, bien qu’il eût les cheveux moins gris et un nez intact.

— À côté de moi, c’est Dumbledore, de l’autre côté, Dedalus Diggle… Ça, c’est Marlene McKinnon, elle s’est fait tuer deux semaines après que cette photo a été prise, ils ont eu la famille tout entière. Ça, c’est Frank et Alice Londubat…

L’estomac de Harry, qui n’était déjà pas très détendu, se crispa un peu plus lorsqu’il vit Alice Londubat. Il connaissait très bien son visage rond et sympathique, même s’il ne l’avait jamais rencontrée : elle était le portrait craché de son fils Neville.

— Pauvres diables, grogna Maugrey. Il vaut encore mieux mourir que de subir ce qu’on leur a fait… Ça, c’est Emmeline Vance, tu l’as déjà rencontrée, et voilà Lupin, bien sûr… Benjy Fenwick, lui aussi, y a eu droit, on l’a retrouvé en petits morceaux… Poussez-vous un peu, là, ajouta-t-il en tapotant la photo.

Les personnages se glissèrent alors sur le côté pour que ceux qu’ils cachaient partiellement puissent venir au premier plan.

— Ça, c’est Edgar Bones… le frère d’Amelia Bones. Lui aussi, ils l’ont eu avec sa famille, c’était un grand sorcier… Sturgis Podmore, oh, là, là, c’est fou ce qu’il paraît jeune… Caradoc Dearborn, il a disparu six mois après la photo, on n’a jamais retrouvé son corps… Hagrid, bien sûr, toujours le même… Elphias Doge, tu l’as vu ici, j’avais oublié qu’il portait ce stupide chapeau à l’époque… Gideon Prewett, les Mangemorts ont dû se mettre à cinq pour les tuer lui et son frère Fabian, ils se sont battus en héros… Allez, poussez-vous…

Les personnages se tassèrent un peu pour que ceux qui se trouvaient au tout dernier rang puissent apparaître à leur tour.

— Voici Abelforth, le frère de Dumbledore, c’est la seule fois où je l’ai rencontré, drôle de type… Dorcas Meadowes, Voldemort l’a tuée de sa propre main… Sirius quand il avait encore les cheveux courts… et… voilà qui devrait t’intéresser !

Harry sentit son cœur chavirer. Son père et sa mère le regardaient en souriant, assis de part et d’autre d’un petit homme aux yeux larmoyants que Harry reconnut aussitôt : c’était Queudver, celui qui avait révélé à Voldemort la cachette de ses parents, contribuant ainsi à leur assassinat.

— Hein ? dit Maugrey.

Harry leva les yeux vers son visage ravagé de cicatrices. Bien entendu, Maugrey était convaincu d’avoir fait un grand plaisir à Harry.

— Oui, très bien, dit Harry, s’efforçant à nouveau de sourire. Heu… excusez-moi, mais je viens de me souvenir que j’ai oublié de mettre dans ma valise…

Il n’eut pas à se donner la peine d’imaginer quel objet il avait pu oublier. Sirius venait en effet de dire : « Qu’est-ce que tu as là, Maugrey ? » et Fol Œil s’était aussitôt tourné vers lui.

Harry traversa rapidement la cuisine, se glissa par la porte et monta l’escalier avant que quiconque ait eu le temps de le rappeler.

Il ne savait pas pourquoi il avait éprouvé un tel choc. Il avait déjà vu d’autres photos de ses parents auparavant et il avait connu Queudver… mais les voir surgir soudain devant lui, au moment où il s’y attendait le moins… Personne n’aimerait ça, pensa-t-il avec colère…

Et puis, tous ces visages heureux autour d’eux… Benjy Fenwick, qu’on avait retrouvé en morceaux, et Gideon Prewett, qui était mort en héros, et les Londubat, devenus fous à force de torture… Tous agitant joyeusement la main, sans savoir qu’ils étaient condamnés… Maugrey trouvait peut-être ça intéressant… Pour Harry, il y avait plutôt de quoi être bouleversé…

Content d’être à nouveau seul, il monta l’escalier du hall sur la pointe des pieds en passant devant les têtes d’elfes empaillées mais, lorsqu’il approcha du premier étage, il entendit des sanglots qui venaient du salon.

— Il y a quelqu’un ? demanda-t-il.

Personne ne répondit, mais il entendait toujours pleurer. Il monta alors les dernières marches quatre à quatre, traversa le palier et ouvrit la porte du salon.

Quelqu’un était prostré contre le mur sombre, une baguette magique à la main, les épaules secouées de sanglots. Étendu sur le vieux tapis poussiéreux, éclairé par un rayon de lune, il y avait un corps. Un corps mort, de toute évidence. Celui de Ron.

Harry sentit ses poumons se vider. Il eut l’impression de tomber à travers le plancher dans une chute vertigineuse. Un froid glacial se répandit dans sa tête. Ron mort, non, c’était impossible…

Mais oui, bien sûr que c’était impossible… Ron se trouvait en bas, dans la cuisine.

— Mrs Weasley ? appela Harry d’une voix rauque.

— R-r-riddikulus ! sanglota-t-elle en pointant sa baguette tremblante sur le corps de Ron.

Crac !

Le cadavre de Ron se transforma en celui de Bill, les bras en croix, les yeux grands ouverts, le regard vide. Mrs Weasley se mit à pleurer de plus belle.

— R-riddikulus ! répéta-t-elle.

Crac !

Le corps de Mr Weasley remplaça celui de Bill, les lunettes de travers, un filet de sang coulant sur son visage.

— Non ! se lamenta Mrs Weasley. Non… Riddikulus ! Riddikulus ! RIDDIKULUS !

Crac ! Les jumeaux morts. Crac ! Percy mort. Crac ! Harry mort…

— Mrs Weasley, sortez vite d’ici ! s’écria Harry en regardant son propre cadavre. Quelqu’un d’autre va s’occuper de…

— Qu’est-ce qui se passe ?

Lupin était accouru dans le salon, suivi de près par Sirius, Maugrey boitant derrière eux. Lupin regarda successivement Mrs Weasley puis le corps de Harry étendu par terre et comprit aussitôt. Sortant sa propre baguette magique, il lança haut et clair :

— Riddikulus !

Le cadavre de Harry disparut. Une sphère argentée flotta en l’air, au-dessus de l’endroit où il s’était trouvé un instant auparavant. Lupin agita une nouvelle fois sa baguette et la sphère s’évapora en une volute de fumée.

— Oh… Oh… Oh…, s’étrangla Mrs Weasley, le visage dans les mains, en proie à une véritable tempête de larmes.

— Molly, dit Lupin d’un ton grave en s’approchant d’elle, Molly, ne…

Elle se jeta alors sur son épaule et sanglota de toutes ses forces.

— Molly, c’était un simple Épouvantard, murmura Lupin d’une voix apaisante en lui caressant les cheveux.

— Je les vois m-m-morts tout le temps ! gémit Mrs Weasley. Tout le t-t-temps ! J’en r-r-rêve…

Sirius contemplait l’endroit du tapis où le faux cadavre de Harry s’était trouvé un peu plus tôt. Maugrey, lui, observait Harry qui évitait son regard. Il avait l’étrange impression que son œil magique l’avait suivi depuis qu’il était sorti de la cuisine.

— N-n-ne le dites pas à Arthur, hoqueta Mrs Weasley en s’épongeant fébrilement les yeux avec ses manchettes. Je n-n-ne veux pas qu’il sache… que je suis une idiote…

Lupin lui tendit un mouchoir.

— Harry, je suis désolée. Qu’est-ce que tu dois penser de moi ? bredouilla-t-elle d’une voix tremblante. Pas même capable de se débarrasser d’un Épouvantard…

— Ne soyez pas stupide, dit Harry en s’efforçant de sourire.

— C’est parce que je suis s-s-si inquiète, reprit-elle, des larmes débordant à nouveau de ses yeux. La moitié de la f-f-famille fait partie de l’Ordre, ce s-s-sera un miracle si nous nous en sortons tous… Et P-P-Percy qui ne nous parle plus… Si quelque chose d-d-d’horrible arrivait et que nous n-n-ne soyons pas réconciliés avec lui ? Et que se passerait-il si Arthur et moi nous étions tués, qui s-s-s’occuperait de Ron et de Ginny ?

— Molly, ça suffit, répondit Lupin d’un ton ferme. Ce n’est pas comme la dernière fois. L’Ordre est mieux préparé, nous avons une longueur d’avance, nous savons ce que projette Voldemort…

Mrs Weasley laissa échapper un petit cri de terreur en entendant prononcer ce nom.

— Voyons, Molly, il est temps de s’habituer à l’appeler par son nom. Je ne peux pas promettre que personne ne prendra de coups – qui pourrait faire une telle promesse ? –, mais nous sommes dans une meilleure situation que la dernière fois. Tu n’étais pas dans l’Ordre, à cette époque, tu ne peux pas comprendre. Nous étions à un contre vingt face aux Mangemorts et ils nous tuaient un par un…

Harry repensa à la photo, au visage rayonnant de ses parents. Il savait que Maugrey continuait de l’observer.

— Ne t’inquiète pas pour Percy, dit brusquement Sirius. Il changera d’avis. C’est une simple question de temps avant que Voldemort se montre à nouveau à visage découvert. Et lorsqu’il le fera, le ministère tout entier nous suppliera de leur pardonner. Mais je ne suis pas sûr que j’accepterai leurs excuses, ajouta-t-il d’un ton amer.

— Et quant à savoir qui s’occuperait de Ron et de Ginny si toi et Arthur disparaissiez, dit Lupin avec un léger sourire, crois-tu que nous les laisserions mourir de faim ?

Mrs Weasley eut un sourire timide.

— Je suis une idiote, marmonna-t-elle à nouveau en s’essuyant les yeux.

Mais Harry, quand il referma la porte de sa chambre dix minutes plus tard, ne pensait pas que Mrs Weasley était une idiote. Il revoyait ses parents lui sourire sur la vieille photo, au temps où ils ignoraient que leur vie, comme celle de beaucoup d’autres autour d’eux, approchait de sa fin. L’image de l’Épouvantard prenant l’aspect du cadavre de chacun des membres de la famille Weasley lui revenait par instants devant les yeux.

Sans aucun signe avant-coureur, la cicatrice de son front devint alors très douloureuse et il sentit son estomac se soulever horriblement.

— Ça suffit, toi, dit-il d’une voix ferme en frottant sa cicatrice dont la douleur diminua très vite.

— Premier signe de folie, parler à sa propre tête, dit une voix malicieuse qui venait de la toile vide accrochée dans la chambre.

Harry n’y prêta aucune attention. Jamais de sa vie il ne s’était senti aussi mûr et il lui paraissait extraordinaire que, moins d’une heure plus tôt, il ait pu se soucier du destinataire d’un insigne de préfet ou du financement d’un magasin de farces et attrapes.

 

Harry Potter et l'ordre du Phénix
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